11. LES MALADIES

Parce que la Résidence est faite pour l'homme mais que l'homme n'est pas fait pour la Résidence, de nouvelles maladies apparaissent.

a) Une ronge les viscères : la maladie du chrome.

b) Une fait tomber les couilles morales (en continu accroissement).

c) Certains se croyaient insectes, et ils étaient oiseaux. Imaginez l'union de la libellule et du corbeau… non, laissez tomber. D'où viennent ces maladies ? Consultons la mythologie égyptienne. Cela ne nous renseigne pas : maladies inconnues. Ou alors sommes-nous dès l'heure dans le Monde souterrain ?

d) La maladie du chat : les chiens nous terrorisent et l'on dort beaucoup, ça compense. Les enfants jouent avec les souris.

e) La maladie altruiste : on s'arrache les vêtements et on les offre au moins offrant. Beaucoup périrent cet hiver là.

f) La maladie des descentes : une des plus intéressantes. On est à peu près pur mais on observe de trop près certains animaux venimeux. On désire s'en rapprocher, mieux les cerner. Ecrire sur leurs délits, partager leurs perversions, quitte à toiser son aversion et déployer la casuistique de l'abLA SAINTE DE L'ABIME EST PLUS SAINTE A MES YEUXîme, interférences avec la maladie.

e) On se demande - les yeux gonflent, les lunettes de soleil s'avèrent indispensables - si l'on est malade au point d'oublier les Louanges. Ce qui est grave. C'est une maladie captieuse : on y prend goût. Propulsés dans le cloaque appelé

" ville " (- mégalopole -) les yeux se voilent et l'on devient opaque. Cette maladie horrifie les gosses.

g) Il y a aussi la maladie de la parole. Nous devrions dire : " les maladies de la parole ". On ne perd pas l'usage de la parole mais quand on veut dire du bien on dit du mal et inversement. Cela peut sembler géométrique - pas tant que ça… On peut dire " Mon amour " en aiguisant un surin. Ces maladies de la parole sont vraiment un fléau. En fait, bien qu'elles soient redoutables, les humains s'en accommodent fort bien (et ce fut une grande découverte). Ce n'est pas une nouvelle maladie mais le Comité a estimé qu'elle soit mentionnée. Il en existe d'autres. On veut dire " Je t'aime " et ce qui sort de la bouche est " Quoi de neuf ? " Nous n'avons pas le temps d'approfondir l'étude. Prévention et guérison. Mieux vaut prévenir que guérir, c'est l'évidence.

h) Certains sont condamnés à défier la foudre. On attend un orage, on les couvre de capteurs, et à l'aide de javelots électriques, on les pousse en rase-campagne. Les places font l'objet d'un trafic lucratif. Toujours comme ça en temps de tyrannie : on profite. Entre-temps, bien sûr on les nourrit, on leur donne des filles (je ne fais que rapporter), on les bichonne. Puis quand le ciel se fait menaçant, on dispose les électrodes et…

i) D'autres maladies : celle de l'étoile (en réalité celle de la star), celle de l'auréole. Celle de l'auréole est assez réjouissante. Un lanceur doit s'approcher le plus possible de n'importe quelle personne, sans distinction de sexe (je me permets de déplorer que des Américaines éructent et braillent - ce qui n'est point le propre des femmes, qui sont par nature réservées - afin d'aller tuer des gens. Comme si on allait attaquer les USA !), et lancer l'auréole. Celui qui lance l'auréole conçoit la vie comme un immense divertissement. Laissons-le à sa félicité.

j) La science du labyrinthe, ou labyrinthologie. Chronologiquement, le premier traité labyrinthologique authentifié, fut gravé au fronton d'un temple sadoskien. Nous ne savons pratiquement rien du culte sadoskien, sinon qu'il était fondé sur une conception élaborée de la verticalité ludique. Nous croyons savoir que ces temples portaient le nom de sky-scrapers. Victime des forces linéiques du Fleuve ( le " Vrai Temps ") - par endroits, les inscriptions sont à jamais perdues --, ce document se révèle néanmoins hautement [356 m. 88] précieux. L'écriture sadoskienne (" écriture striale "), observée sur ces monuments, évoque sans conteste le code-barre posthistorique ; d'où l'origine d' " architecture stellionate ", au sujet de l'architecture de la Résidence. Les striations nous parlent. Voix de vieillard, profonde, interne, parcourue d'un râle continu, dans la bouche d'un enfant à peine sorti de glaise, qui dit : " Toujours tu aimeras te perdre, car ainsi le soleil que tu verras resplendire à l'issue sera soleil restitué. Toujours tu respecteras le Labyrinthe, et l'esprit de ceux qui l'ont conçu, en conformité avec les lois sacrées des premiers rois décrocheurs d'étoiles : incarnations de la Sainte Triade Meurtre, et fils sans père de Sadosky l'Effaceur ".

k) La maladie des non-nés://Ils restent pendant des années://au-delà de la légalité://dans le ventre://de leur mère://et ils ne veulent plus la quitter://Ils gardent://les proportions://du fœtus arrivé à maturité://mais://ils évoluent://comme le reste de l'humanité://ils vieillissent://au sein de leur mère://On peut communiquer avec eux://à l'aide de multiples appareils://Les fabricants://des appareils en question://ont flairé le bon filon://Partout leurs officines://fleurissent://c'est un excellent moyen://pour eux://de profiter du gâteau://Les non-nés:// n'ont pas forcément refusé://de quitter leur matrice://n'ont pas forcément choisi://de déambuler://dans la société://C'est une maladie://que je trouve émouvante://Les non-nés se divisent en premièrement://ceux qui ont incapacité à naître://ils sont en principe considérés comme irrécupérables://deuxièmement://ceux qui ont refusé://et qui opposent une://opprobe passive://troisièmement://ceux qui ont oublié de naître://Certains juges prônèrent://l'obligation://intrinsèque://et le devoir://irréfragable://pour tout enfant://de pousser://le cri://de la mise à vie://Enormément de mères se satisfirent//de cette insubordination://On les dénomma donc://les insoumis://Les mères://peu à peu://établirent un mode de liaison://entre elles://et leurs filles ou leurs garçons://indépendamment://des engins://mis en vente://Des hommes politiques prônèrent l'avortement systématique://Il y eut émeutes et voies de fait://Le Parti des Avorteurs://qui constitua://une imposante fraction de l'électorat://une menace://pour les marchands://fut miné par des dissensions internes://et n'obtint pas le nombre de voix requis://pour participer de manière conséquente://aux affaires de l'Etat://On recherche les causes de refus de naître://et les coupables://qui les avaient prévenu://de ce qui les attendait://hors du placenta://C'était comme une épidémie://On soupçonna://certains non-nés://d'être télépathes://et d'échanger des informations://sur la nature desquelles://on ne put://s'accorder://Des expériences eurent lieu://car des scientifiques://émirent l'hypothèse://que certains non-nés://étaient dotés de pouvoirs particuliers://Cela s'avéra exact et l'on en vint à les consulter://tels de modernes oracles://Les non-nés qui avaient oublié de naître://n'intéressaient guère les résidents://pourtant c'était les plus importants://car la plupart des résidents eux-mêmes sont non-nés://Les résidents non-nés://n'expérimentent la mort://qu'une seule://et unique://fois://Ils se focalisèrent://surtout://sur ceux://qui avaient refusé://de quitter le ventre://maternel://Voici une forme de romantisme://caractéristique://des résidents://la glorification://du parasite://et la béatification de l'infection://Les saints ne sont pas lâches://et ne reculent pas://devant://le péril://Ceux qui finalement se rappelèrent://qu'il fallait voir le jour://déçurent://les résidents:// " Ce ne sont pas des lilliputiens " disaient-ils://Les monstres attirent les foules://mais ceux-là n'avaient rien://d'impressionnant://Ils étaient décents et discrets://doux mais résistants://car ils résistèrent à toutes les nouvelles maladies://Ceux à qui l'on demandait conseil par contre se la coulait douce://dans le liquide amniotique://Des planqués en somme://Imaginez la souffrance de ces mères://obligées de les porter durant des années://jusqu'à leur mort://Un texte stipulait://qu'on devait ouvrir l'abdomen des défuntes://Des prêtres pratiquaient le Rituel de l'Extraction://Au contact de l'atmosphère://ils perdaient instantanément://tous leurs pouvoirs://et ne transmettaient plus aucune prédiction://On bâtit pour eux des maisons de retraite://où ils finissaient misérablement://On ne put jamais leur enseigner le langage://des sourds-muets://Avertis du sort de leur congénères://ils acceptèrent://l'épreuve de la naissance.

l) Quand on couve quelqu'un d'un regard bienveillant, on perd la vue. D'autres sens se développent qui examinent les souvenirs d'images virtuelles. Des échoppes de location de cannes blanches - Utilisables également par les Sourciers de l'Ordure : corporation à laquelle j'appartiens.