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Il y a quelques chose de décalé dans l'intervention de Jean-Marc Terrasse, l'un des directeurs du musée du Louvre. En quelque sorte, il explique l'ouvrage nécessaire d'une psychothérapie administrative, consistant en une pratique imprévue du "hacking".
Directeur de l'auditorium, c'est à dire de la programmation culturelle elle-même, il exprime le niveau d'abstraction institutionnel auquel lui-même est confronté chaque jour davantage : l'externalisation de l'objet de valeur du musée, évacué par celui administratif qui le gère et qui prend sa place. Ce que la globalisation des musées et de leur patrimoine accroît.
La mission sociale collective, culturelle, héritée du musée et des oeuvres qu'il contient, sont mis à la marge par l'administration qu'ils requièrent -- situation insensée.
De ce point de vue, les oeuvres elles-mêmes deviennent invisibles à leurs gestionnaires, elles sont désertées pendant qu'on s'en occupe ; le musée le plus plein est le plus vide.
Ici, travailler s'exprime en valeur de temps passé, peu importe à quelle application, et même sans application.
A ce stade, comme membre de l'administration lui-même, Jean-Marc Terrasse pense que la seule attitude muséographique possible, face à l'externalisation symbolique de l'art par l'effet de sa gestion, cette évacuation étant consommée, soit de faire entrer au musée la fiction de l'oeuvre : c'est-à -dire produire des représentations des oeuvres pour les rendre visibles aux gestionnaires.
Ce n'est pas réifier la valeur de l'oeuvre, c'est soigner les yeux qui la regardent [en quelque sorte soigner la cécité par un autre sens].
Il s'agit d'un apprentissage à communiquer avec l'étrange objet perdu, de toutes façons opaque et énigmatique, ou bien d'une réadaptation. Un questionnement de la réalité impossible, sinon aux limites de la virtualité de l'art.
Jean-Marc Terrasse ne voit pas d'autre solution pour installer l'oeuvre d'art et son intérêt collectif dans le champ de vision de l'administration qui en a la charge, et au-delà , à la vue de la société qui s'en est également désemparée.
C'est pourquoi il a demandé à plusieurs écrivains du monde entier d'écrire respectivement à propos d'une oeuvre du musée du Louvre. Pour sortir les oeuvres de la mortification concrète, qui procède de l'abstraction de leur existence propre ; pour les faire revivre imaginairement, inviter un rapport concret avec elles à propos de créer pour elles, et par elles.
Offrir un miroir narcissique à l'oeuvre, en quelque sorte, tel est l'engagement de la fiction - l'illusion au sens noble - de son propre geste d'administrateur.
Ainsi se dévoile l'accroche convaincue de sa lecture de Un manifeste Hacker, et en même temps lecture paradoxale (notamment sur la question du représentable et de l'irreprésentable). Avec un autre point commun, l'impact de ce choix poétique, montré comme nécessaire, une mélancolie dédiée à la virtualité de l'art, que l'on pourrait dire activiste de son travail de directeur. "Hacker", en tant que l'un des directeurs du musée que l'on dit : "le plus grand du monde".
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